mardi 21 octobre 2008

Asilah

Houyam,


J’ai envie de te dire mon besoin de cet homme,
Qui me livre chaque jour ma dose de vie…
Je repais mon cœur, le jour, de son baume
Et vit dans la crainte d’en manquer, la nuit…

Je te conterai chaque fois en poème
Des bribes de la passion qui me déchire
Et si un jour je ne puis te dire que je l’aime
C’est par manque de lui que tu me verras partir…

Oui je l’aime… il n’y a pas une minute qui passe qui ne fasse de moi créatrice… je crée des histoires dans ma tête, filles de mon hallucination amoureuse… je les traduis ensuite en mots du cœur pour exorciser l’ombre du mâle à défaut de le chasser lui-même de mon esprit…

Je le rêve nuit et jour, plus à mon éveil qu’à mon sommeil… J’imagine ma vie avec lui et son réveil le matin… j’imagine notre enfant qui serait aussi beau qu’un premier baiser… je lui écris des lettres où il est déjà mien, où je le supplie de me revenir et des mots d’amour à laisser sur sa table de nuit, lui promettant une meilleur nuit d’amour à mon retour du travail…

Tu comprends donc mon besoin de lui… je me l’injecterais bien en bolus salvateurs… mais pour ça il me faudra l’atteindre…

A lire ta dernière lettre j’ai décidé de braver toute convenance… j’ai sacrifié Farah pour son bien… un excès d’égoïsme que je ne me connaissais pas mais qui m’a propulsé dans un état second à ma nature… j’ai toujours apporté la Joie à ceux qui m’entouraient, à croire qu’on m’avait baptisé Farah en oblation à Dieu pour que je leur apporte bonheur et me confine à la satisfaction de plaire… j’ai décidé donc que le plaisir sera mien cette fois…

Avant de te raconter Asilah, je te demande d’enterrer ton ancien mal et de me raconter ton nouveau béguin… ne crois pas que je n’ai pas remarqué la naissance d’une passion et je t’ai connue orageuse dans tes déchaînements, je m’attends donc à de la belle histoire… je ne veux pas te voir sombrer dans la mienne parce que je te connais capable de couler avec moi par dévouement à notre amitié… moi je te veux témoin de ma romance, conseillère à mes égarements et si je meurs d’amour, mon épitaphe portera tes mots…

Asilah, ma chère amie, t’appelle ! Cette cité d’amour et d’art crie ton prénom : Pure Eperdition…

A la seconde même où la voiture d’Adam s’était engagée sur la route d’asilah, je sus que je n’avais pas choisi cette ville par hasard… elle m’appelait à elle pour me venir en secours… Venus devait sûrement y errer pour y rencontrer son Mars loin des yeux de Vulcain… c’était dans l’air ! Et j’y allais avec mon Mars qui ignorait tout de sa divinité…

Adam ignorait tout de mon tourment… il avait accepté de m’accompagner à Assilah et même que sa femme l’encouragea vivement à essayer de me dissuader de ma folle entreprise… je ne m’attardai pas à penser à elle, ni à Majd d’ailleurs parce que j’étais capable d’en recouvrer l’esprit et d’en perdre la vie… et mon cœur s’accrochait à la vie et ses battement l’interpellaient lui…

J’ai passé six jours et dix-sept heures avec lui à la maison de grand père avant qu’il ne se décide à me fuir…

Au commencement, j’étais restée silencieuse… je m’abreuvais de sa présence pour humidifier ma gorge afin de lui déclarer ma flamme… je l’écoutais parler de son neveu avec tant d’amour qu’il m’en fallut plus d’un silence pour lui communiquer mon hermétisme face à sa manipulation…

Il se résigna à la fin du 3ème jour et m’invita à sortir de la maison pour faire un tour, parce que vois-tu Houyam je restais cloîtrée dans le salon si je ne m’enfermais pas dans la chambre… j’avais peur des idées qui me passaient par la tête… je craignais mes fantasmes et abhorrais mes délires…

Mon amour était seul avec moi, à portée de main et je pouvais me saisir de lui… au pire je me serais faite traitée de sorcière… mais au mieux, j’aurais eu dans la paume de ma main les brûlures des étoiles…

On erra dans les ruelles où le bleu des murs n’avait d’égal que celui des messages que je lui adressais de mes yeux… mais il ne comprenait rien… il ne me regardait jamais !

Un soir en rentrant, le vent souffla fort et ayant oublié de prendre de quoi me couvrir, je me retrouvai soudain enveloppée de son bras… je ne me permis même pas de tressaillir afin de ne pas l’effaroucher… je rentrai presque emportée, mes pieds n’ayant plus touché le sol et sur le perron de la maison je le regardai en face…

Je pouvais réfléchir mais comme à mon habitude quand je réfléchis trop je finis par me jeter par instinct, je paralysai ma raison et je plongeai dans sa bouche !!!

Oui Houyam t’as le droit de crier ! Je sais que tu essaies d’imaginer la stupeur de l’homme face à l’apocalypse ! Mais la stupeur sera tienne quand tu sauras qu’il s’est oublié pendant une minute à me rendre la passion de mon baiser avant de s’effarer et de s’éjecter loin de ma portée…

Pendant les 3 jours qui suivirent, j’observais sa déchirure… il allait mal et se noyait dans des sermons que je savais adressés plus à lui qu’à moi… il se dénigra, il se traita de tous les noms, il se compara bêtement à Majd pensant qu’à se dévaloriser de la sorte je recouvrirais quelque esprit égaré…

Moi je gardais le silence et ça ne le rendait que plus mal… il se décida enfin à accepter de m’écouter et je lui dis mon amour… je lui dis mon besoin… je lui expliquai qu’aux jeux de l’amour je n’étais pas novice et que je savais qu’il était cette pierre que les fins connaisseurs ne pouvaient trouver qu’une fois… il comprit aussi qu’il serait vain de me raisonner, la raison étant que spectatrice dans les jeux de l’amour…

Le dernier jour, dans un ultime effort de me persuader de ma bêtise on s’embrassa à nouveau…

Ce fût là mon coup de sabre porté à ses certitudes… il rentra sans plus tarder, certainement retrouver la foi dans les bras de sa femme… Et moi je suis toujours à Asilah… j’attends ta réponse pour rentrer…

Houyam, ne me lâche pas…


Farah

mercredi 1 octobre 2008

L'éthique de Machiavel

Chère amie,

Je constate avec effroi que ta curiosité légendaire a cédé du terrain à des inquiétudes latentes. Je confine alors, résignée cela va sans dire, la suite de mon histoire dans sa petite boite noir, où elle se prélasse, désormais allégée du poids du vécu, avec mout autres souvenirs bons et moins gais, et je me consacre à toi, exclusivement à me surmener les méninges, en bonne sage conseillère que je suis, mais ‘sage’ est à prendre avec des pincettes, pour essayer de décortiquer cette situation mi-dramatique mi-comique où tu te lance effrontément !

Alors écoute-moi bien petite suicidaire…

Tu ne veux point être rationnelle, et sincèrement je t’en félicite, car cela m’aurait déçu de te voir devenir une femme lucide et raisonnée, le contraire même de cette intrépide de Farah qui fait éclore les fleurs au simple fait de les sentir.

Je redeviens moi-même la machiavélique qui prône le discours dérobé auquel Nicolas avait recours pour faire valoir la république à travers l’éloge de la monarchie. Comprend moi bien, république veut dire liberté, infidélité aussi !

J’imagine également ton sourire de sorcière maintenant. J’ose même penser que je n’ai plus besoin de développer…tu sais à quoi t’attendre !

Mais je t’explique tout de même de quoi il en découle…

Ton âme est libre, ton corps tu le possède, mais Adam est à une autre, par la force des conventions! Tu ne peux, idem pour moi, savoir a priori ce qu’il en est de son cœur, de son âme, de son libre arbitre…mais tu peux tenter de renverser l’ordre universel des contrats sociaux, si tu laisse, un tant soit peu, de côté les souverains dictats des compromis et les battements incongrus de ton pauvre cœur inassouvi…mais gare à la mésestime.

Tu peux tenter de bouleverser l’ordre établit mais accepte avec humilité les aléas que ton destin pourrait t’infliger. En clair, joue le plaisir…pour le jeu, ou alors tu es d’emblée perdue à ton propre jeu.

Tu veux le séduire ? Pourquoi pas ? Tu n’es nullement la bonne samaritaine à la rescousse des âmes enclines à devenir sybarites. Tu es une femme qui va au bout de son désir car seule la témérité compte, nullement le résultat.

Si cette histoire tourne mal, je sais d’emblée que tu vas, comme à ton accoutumé, m’en vouloir, en vouloir à cette éthique que je fais mienne, de sucer à la vie son ultime sève, la déguster jusqu’à satiété et regarder la déchéance, voire la mort, avec un sourire frondeur de celle qui la nargue et attend son avènement.

Arrivée à ce stade de ma lettre, je me dis que j’ai répondu à la mauvaise question, ou peut être bien à la bonne. J’ai répondu à celle de ce que peut ressentir une femme sur le point de rendre un homme infidèle. Tu en conviens, n’est-il pas, que tu n’es nullement infidèle ? Majd, tu l’as déjà extirpé de ton cœur, s’il tant qu’il y ait déjà résidé. Nulle trahison.

Tu es sur le point de séduire un homme marié. La morale, la bonne vielle morale de ce poids social qui pèse déjà lourd sur toute notre génération, est le seul concept mis aujourd’hui en jeu. C’est un concept car jusqu’à cet instant il n’a jamais fais loi, il n’a jamais été à même de descendre de son piédestal pour nous reconquérir dignement sans user des flagellations que nous prenons à corps défendant quand, par mégarde, nous le transgressons.

Ma mie dorée, dore toi au soleil tendre de cette belle ville d’Assilah, laisse son vent jouer librement avec tes boucles émeutières et le bleu de ses murs émouvoir l’homme de ton présent.

Si dans son cœur résiste encore quelques miettes de liberté, si son corps est toujours ce réceptacle de sa volonté et des élans de son cœur…tu auras réussi le défit d’être enfin la femme qui veut.

Et n’oublie jamais ce dicton imbécile mais encore vérifiable « si femme veut, Dieu, sa créature, la plus faible, l’homme…veulent » !

Par contre, sois indulgente, ne fais lire ma lettre à personne…car je risque de subir les pires châtiments. Je risque d’être suppliciée, dénigrée, avilie…et par Dieu et par sa jolie créature dont je ne me lasse jamais…l’homme.

Ah ces hommes et ce qu’ils me font penser et écrire…je m’en délecte et m’en étonne toujours.

Ma mie, n’oublie pas en entament ta brave mésaventure de faire quelques prières pour moi devant le marabout des amoureux…à Assilah.

Je t’embrasse, en gardant les mains sur mon cœur, déjà effrayé à l’idée de recevoir ta prochaine missive.

Houyam